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LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE AU SÉNÉGAL, CONSTATS ET PERSPECTIVES ?

Dr Saliou NDIAYE, Ingénieur agronome, Ph.D, Directeur des études de l'ENSA,

Université de Thiès.



Au Sénégal, le concept de sécurité alimentaire a évolué sous diverses formulations selon certaines périodes de l'histoire récente du pays. Le principe de base veut que toute agriculture ait pour but d'abord de nourrir les populations (autosubsistance), avant de prendre des formes de rente, mercantile.

Juste après les indépendances et à la faveur d'une démographie au Sénégal assez favorable à près de 3 millions d'habitants (sur 192 600 km2 de superficie), la couverture de besoin alimentaire était assez satisfaisante. Mais le Sénégal avait hérité de la colonisation et pour les besoins d'une meilleure orientation de la production vers la culture de rente : l'arachide. Le colon avait introduit le riz brisé (non coté dans les marchés internationaux ) au détriment des céréales locales avec la technologie de transformation à l'époque très embryonnaire. L'utilisation de ce riz importé d'Indochine et du Cambodge d'abord, dans la cuisine locale s'est accentuée au détriment des céréales locales dont le processus de transformation depuis la récolte est très long et fastidieux pour les femmes (battages, nettoyage, décorticage, broyage : différentes brisures et farines, roulage par exemple).

La dépendance vis-à-vis de ce riz importé et à faible prix de vente va affaiblir la production locale de céréale et va affaiblir notre atteinte de la sécurité alimentaire, dès lors que l'essentiel de la nourriture [surtout urbaine) va dépendre de son importation : Peut-on parler dans ce contexte de sécurité alimentaire, avec une dépendance aussi forte de l'étranger. Et cela va se ressentir davantage à partir du moment où ce riz brisé sera coté (début des années 80, avec le doublement du prix au Sénégal, à 175 F/kg).

Dans le même sens, les politiques agricoles avaient en partie continué dans le sens de la culture de rente dominante laissée par la colonisation : l'arachide, jusqu'aux années de désengagement de l'État [1984, avec les ajustements structurels). Les cultures vivrières sont restées les parents pauvres de la recherche agronomique malgré des efforts faits avec les sécheresses antérieures et en cours et avec les appuis d'organisme comme le CILSS. Le concept de sécurité alimentaire a commencé ainsi en prendre forme depuis qu'avec les sécheresses et la famine au Sahel, une certaine prise de conscience s'est faite. De même, les industries agroalimentaires ont pris aussi le pas avec divers produits : les farines, les produits de nourriture d'urgence, mais timidement jusqu'aux années 90.

De plus de nombreuses ONG s'y sont mises avec le boom de l'humanitaire [Médecin du Monde, Médecins sans frontière. Aide au Sahel, etc.), mais les États n'avaient pas nécessairement pas mis l'accent sur la sécurité alimentaire, mais plutôt sur des indicateurs plus raisonnables comme : le taux de couverture des besoins alimentaires ... ;

De plus les démographiques galopante du Sénégal, avec un taux d'accroissement naturel de 2,9% et un temps de doublement de la population de tous les 25 ans, n'ont fait qu'aggraver l'insécurité alimentaire. Ainsi de près de 3 millions d'habitants à l'indépendance, on est passé à 12 millions en 2011 soit deux doublement en somme depuis 50 ans. Et la production agricole n'a pas suivi ces doublements, d'où ces déficits cumulatifs observés. Par exemple la consommation de viande, par personne et par an, est passé de 24 kg et près 11 kg/personne et par an à l'heure actuelle. Il faut bien noter que bien des efforts sont faits sur la transformation alimentaire des productions agricoles (ITA, petites industries de transformation, artisans locaux, etc.) : développement des procédés, des produits, des emballages, etc. Mais la forte urbanisation, l'exode rural noté ont fait amplifier la demande et l'alimentation des populations au Sénégal a continué de garder sa dépendance vis-à-vis du riz et de divers produits importés (cuisse et bas de poulets, haricot, blé...). À l'heure actuelle, certains pays de la sous-région ont enregistré des taux de couverture de leurs besoins alimentaire au-delà de 100 %, quand le Sénégal n'a pas atteint les 50 % de satisfaction de besoins en céréales. Cela malgré certaines lettres de politiques appliquées et programmes (REVA, cultures adoptées par années : maïs, manioc par exemple). De plus depuis quelques années, des options résolues de l'État appuient le développement de la culture du riz [fleuve Sénégal, Bassin de l'Anambé, ...). Des espoirs sérieux sont permis dans les années à venir, mais d'autres problèmes sont apparus comme la faible utilisation de ce riz local entier dans la consommation locale. Il s'y ajoute que dans ce contexte de production insuffisante de production agricole destinée à la nourriture des populations, des dégâts très importants sont notés en post-récolte du fait de divers ravageurs [insectes, rongeurs, oiseaux granivores par exemple). Dans certains cas, ces pertes peuvent atteindre plus de 40 % de ces productions.

De plus, le caractère très ponctuel de certains programmes agricoles ou lettres de politique ne permet pas une bonne prise en compte de la durabilité de ces questions de sécurité alimentaire.

La sécurité alimentaire ne sera atteinte au Sénégal que si, au-delà des actions de l'État [Politique, Appuis institutionnels, diverses facilitations offertes], que d'autres acteurs y sont impliqués : la société civile, les ONG, les regroupements de producteurs, les fédérations de paysans, de producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les consommateurs. Ainsi les efforts seront nécessaires à divers maillons de la chaîne : les producteurs [avec l'accroissement de la production et leurs qualités), les transformateurs, les distributeurs et les consommateurs. Pour ces derniers, des efforts de promotion du « consommé local » seront nécessaires, mais avec la précaution de mettre des produits adaptés sur le marché, à des coûts raisonnables l’arme alimentaire devient une réalité mondiale et la spéculation des prix des produits agricoles est inquiétante depuis quelque temps. On ne pourra en réalité atteindre une sécurité alimentaire, que si cela est mené par nous-mêmes, avec l'implication de tous les acteurs locaux relevés. De plus, l'État devra planifier l'atteinte des objectifs de la sécurité alimentaire par des programmes à moyen et long terme, de sorte à permettre une mise en place convenable des maillons impliqués et la réalisation des résultats à chacune étapes concernées.

Le Sénégal réalise depuis quelques années des Progrès significatifs dans l’accroissement des productions agricoles, avec une bonne diversification de l'offre [céréales, légumineuses, viande rouge, blanche, poisson et produits divers de transformation : séchages, fumage, salage, etc., lait et produits dérivés, fruits et légumes). Mais au-delà des exigences de quantité, il y'a une part très importante de qualité des produits à respecter, de conditionnement et de présentation et de disponibilité des produits transformés aux consommateurs. Enfin la sécurité alimentaire reste un défi majeur pour des pays comme le Sénégal et que le contexte international avec la mondialisation ne facilite pas toujours sa réalisation. De plus, des impératifs économiques ont tendance à orienter nos productions vers des cultures de rente, vers des exportations à même d'apporter une meilleure rentabilité, des devises. Malgré tout, la sécurité alimentaire apportera d'abord une certaine indépendance, une certaine stabilité interne et réduira la forte dépendance de notre alimentation [surtout urbaine) vis-à-vis des importations.

Tous les acteurs concernés devront jouer leurs rôles respectifs et la synergie des diverses actions devra nous permettre d'assurer progressivement une couverture de plus en plus importante de nos besoins alimentaires, cela à terme vers une sécurité alimentaire durable.

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